La qualification neige prend un peu de temps parce qu’il faut intégrer beaucoup plus
d’éléments que sur roues.
Par exemple, il faut penser à ‘passer sur skis’ quand on arrive en
zone montagneuse. Inversement, penser à ‘passer sur roues’
quand on redescend. Une bonne idée, le faire, dans un sens
comme dans l’autre, à la limite neige-herbe. Sinon en arrivant
au Versoud on crâme les semelles des skis, bonjour les
réparations. Inversement, si on est sur roues en se
posant sur la neige, certes on embrasse le pare-
brise, mais surtout l’avion s’arrête très bas dans
la pente, et pour repartir il faudra le tirer jusqu’en haut. À 3000m d’altitude
on manque de souffle...
Un avion sur skis n’a pas de freins, si on manœuvre un peu vite en arrivant sur une
plateforme on risque de démolir des avions à l’arrêt. Le virage au sol s’obtient
uniquement en soufflant la dérive, rien à voir avec la rotation sur place, une roue
bloquée, sur le goudron. Si on s’arrête dans une pente, pas suffisamment en travers,
l’avion va repartir. En avant ce n’est pas trop grave. En arrière c’est
embêtant. Et même apparemment stabilisé, l’élévation de température
dans la journée peut le libérer. Penser à planter une pelle par le
manche contre le carre intérieur du ski amont, ou contre
le carre extérieur du ski aval (plus instable mais donc
plus facile à dégager pour repartir)...
Si la neige est froide, ou se refroidit pendant l’arrêt, au démarrage il faudra un peu
secouer l’avion (moteur, coups de fesses, profondeur) pour que les skis se décollent de
la neige. Certaines conditions de neige (très froide, soufflée ou un peu soupe)
ralentissent la glisse, en tenir compte aux gaz à l’atterrissage, et aussi pour la distance
de décollage.
Si la neige est profonde et poudreuse, les skis vont avoir tendance à enfourner, évoluer
manche au ventre. Eviter de se poser hors traces immédiatement après une chute de
neige importante. Au décollage, pas trop de manche arrière, ça enfonce la roulette
arrière et ça freine.
Tous ces éléments concernant la neige se prennent en compte en intégrant la météo de
toute une saison, les chutes de neige récentes, l’ensoleillement des jours précédents, la
température ambiante, les conditions de vent précédentes et au jour du vol.
Mais tout cela s’apprend… demandez à votre instructeur montagne !
Bernard Moro
piste sèche
piste enneigée
Charlie Delta sur glacier, à l’époque où il était aux couleurs du club.
Éric Vuillermoz (instructeur montagne roues et skis) a des choses
précieuses à nous dire sur les crevasses :
Les crevasses
sont nombreuses :
il y a danger, mais
il est visible.
Le glacier de la Girose, 23 décembre.
Le 2 janvier, la couche de neige commence
à combler les crevasses. Il y a toujours danger,
mais il est moins visible.
Le 10 janvier, les crevasses ne sont pratiquement plus visibles.
La seule façon de lever le doute, c’est d’avoir soigneusement surveillé
la quantité de neige tombée entre le 2 et le 10… ou d’attendre encore un peu.
Je profite de ce tout début de saison pour vous envoyer trois photos du Glacier de La Girose --où
nous nous posons-- et illustrer le processus de “Fermeture” des crevasses.
Le glacier proprement dit est constitué de glace (comme son nom l'indique !!) qui ne possède pas de
propriété élastique. Le glacier “s'ouvre” en fonction des obstacles et ruptures de pente qu'il rencontre
lorsqu'il "coule" vers le bas de la vallée. Ce sont les crevasses que nous pouvons voir en été, lorsque
toute la neige de l'hiver précédent a fondu.
Les précipitations automnales viennent ensuite recouvrir ces zones et par petites accumulations
successives, des “ponts” de neige viennent refermer les crevasses.
Ce processus est lent, et il est fonction de la taille de la crevasse. En décembre elles sont encore
bien visibles (1) : l'atterrissage est strictement impossible. En début de saison les ponts de neige
sont encore fragiles, le processus de consolidation, par regel, intervenant lui aussi très lentement (2).
C'est pour cela qu'il est raisonnable d'attendre début Janvier (et encore !) pour nos premiers
atterrissages, même si nous sommes tous impatients !!
Sur la photo 3 les crevasses ont presque disparu. Les conditions deviennent optimales à partir de
début février jusqu'à fin avril, puis de nouveau, la plus grande prudence est requise en mai ...
Bons vols à tous
texte et photos Éric Vuillermoz
Au cours de ces dernières années, les incidents conflictuels entre skieurs et pilotes montagne, sur altisurfaces et
glaciers, se sont multipliés. Plusieurs causes à cela.
Un nombre croissant de skieurs éprouvent le besoin de sortir de l’environnement très contraint des stations pour se
libérer en randonnée et en hors piste. En face, un nombre croissant de pilotes s’élèvent à un niveau suffisant pour
effectuer des atterrissages sur neige en haute montagne. Nous sommes donc, inévitablement, sur des trajectoires de
collision… Mais l’ambiance écologiste ne nous est pas favorable. Nous, pilotes de montagne, devons d’abord faire
preuve de courtoisie. Quand quatre ou cinq Mousquetaires tournent sur un glacier, pour trois ou quatre atterrissages
par membre d’équipage, nos bruits de moteur, à fond au décollage ou même à mi-puissance en reconnaissance,
rebondissent sur les parois des vallées et doivent prodigieusement agacer les courageux qui arrivent sur le glacier
après des heures de montée à la frontale…
L’AFPM --Association des Pilotes de Montagne-- à juste titre très sensible à l’impact de notre activité et de ses
nuisances pour les autres montagnards, nous fait passer les recommandations suivantes :
•
Deux atterrissages maximum par altisurface (seulement un à Saint-Jean-d'Arves, aux dernières nouvelles !)
•
Trois atterrissages maximum par glacier ET seulement trois avions en même temps en tour de piste.
•
Sur le massif du Mont Blanc et autres lieux où évoluent beaucoup de skieurs de randonnée, éviter le créneau 11h-
13h, moment privilégié du pique-nique et/ou fin de course des guides.(*)
L’AFPM planche actuellement sur une mise à jour de la méthode de Reco, pour la rendre moins impactante en termes
de nuisances sonores. Mais il faut que chaque pilote soit bien conscient de sa responsabilité. Tout ce qui peut être
perçu comme une incivilité par des non-pilotes menace à plus ou moins court terme la pérennité du vol montagne. Nous
sommes tous concernés, et nous assistons parfois, en particulier en période de vacances scolaires d’hiver où se
multiplient les vols loisir, à des comportements totalement inacceptables.
Sur cette photo (tirée de la vidéo prise par Éric Vuillermoz lors d’un atterrissage sur le Dôme de la Lauze, à un coup
d’aile de la Girose), le point rouge représente le point d’aboutissement. On est un peu en crabe à cause du vent latéral.
Vous êtes aux commandes. Supposons que des skieurs apparaissent en haut du dôme (les points bleus) à cet instant
précis.
S’ils vous ont vu, ils n’imaginent pas nécessairement que vous allez vous poser sur cette pente abrupte. Ils n’ont
aucune idée de votre vitesse (au moins 140km/h au toucher), aucune idée de ce que vous allez faire.
Vous ne savez pas s’ils vous ont calculé. Vous ne savez pas où ils vont, comment ils vont aborder la pente. Une fois
posé vous aurez très peu d’autorité sur votre trajectoire. Tous les paramètres sont réunis pour une catastrophe. Même
si en reco vous avez la sensation que ‘ça passe’, le temps du tour de piste et de l’alignement, les positions respectives
changent parfois très vite.
Vieil adage : “Si on se pose la question d’y aller, c’est qu’il faut pas y aller.”
La
Girose
Bernard Moro
(*) CR de l’Assemblée Générale
de l’AFPM, Éric Vuillermoz