Nicolas Caillon, 21 ans, maintenant mécanicien ULM à Bourg-en-Bresse, nous parle de son expérience. Raconte-nous d'abord comment tu es venu à l'aviation. "Tout petit déjà…". Non, c'est vrai, j'étais gamin, et à l'altiport de l'Alpe d'Huez et je voyais les Mousquetaires qui se posaient et redécollaient, et je me disais, un jour je serai là- dedans, et je serai aux commandes… Et puis il y a aussi mon père, qui a toujours été un passionné, qui pilotait, et qui m'a transmis le virus. C'est comme ça que naissent les rêves. Et donc, pourquoi l'ULM ? C'est quand même loin du Mousse. Oui, mais quand j'ai voulu commencer à voler j'étais étudiant, avec des moyens limités. L'ULM, c'était une évidence, ça me permettait d'accéder à ce rêve. J'ai progressé assez vite entre les mains d'Alain Serrado et Jean- Pierre Spreuze, avec lesquels je m'entendais bien. Puis je suis passé au DR400. Et un an pile après mon premier vol ULM au Versoud j'ai passé mon PPL sur DR400 135. La formation ULM est très enrichissante, très exigeante, je trouve que la machine se pilote avec beaucoup plus de rigueur qu'un avion. Tout est plus sensible, il faut plus de précision, ça ne pardonne rien, sans arrêt, c'est la bille au milieu, le badin, bille-badin, bille-badin, bille-badin. Attention à l'angle d'inclinaison, il y a eu beaucoup d'accidents par décrochage en dernier virage. Tu réduis trop, tu tombes. Donc après, l'avion m'a semblé plutôt facile. En avion, tu as plus d'inertie, tu continues à glisser, tu as plus de marge. Les réflexes que j'avais acquis sur l'ultra- léger me permettaient de mieux anticiper les réglages. Il y a aussi dans cette pratique, ce dont peu de gens ont conscience, une culture de la panne. Les ULMs au début étaient considérés à juste titre comme des engins peu fiables, dont les moteurs n'avaient ni la régularité ni l'endurance de ceux des avions. On tombait tout le temps en panne. Donc nos aînés, les instructeurs, avaient intégré cette spécificité dans leur enseignement. Et j'en ai bouffé de la panne, de la gestion de panne. Pendant ma préparation au PPL sur DR400, j'ai peut-être fait une dizaine d'exercices de panne. Mais en ULM c'était un ou deux par vol !! Panne au décollage, en vol, l'instructeur coupe les gaz, débrouille-toi.
Il me semble que l'ULM est plus fiable maintenant, non ? Oui à l'heure actuelle, la mécanique ULM est devenue tout à fait sûre. Sur 50h en ULM, je n'ai pas eu un incident moteur. Sur 50h en DR400, oui, une perte de puissance au décollage, c'était mon père qui pilotait mais j'étais très calme, presque plus que lui, j'étais habitué à ce stress, et de toute façon il a bien géré la situation. On associe l'ULM à une liberté totale, et souvent à un comportement un peu irresponsable de leurs pilotes. Ça non plus, ça n'est plus tout à fait vrai. Il y a davantage de contraintes et de cadres qu'au début, mais ça reste quand même assez ouvert. Donc tu ne laisses pas tomber l'ULM ? Non, non, j'aime vraiment ça. En ULM il y a des centaines de bases non contrôlées, infiniment plus qu'en avion de montagne par exemple, et la formation nécessaire pour y accéder est beaucoup moins contraignante, moins coûteuse. Et l'ULM c'est fait pour ça. Je me pose en 04, je sors à Echo 2. En terrain de campagne, le décollage / atterrissage très court, c'est précieux. Quand je veux emmener quelqu'un pour découvrir la région, je préfère prendre le Savannah. Ça va tout doucement, la machine est stable à 100km/h, les ailes sont hautes, tu vois dessous. On dit, "À quoi bon voler si on ne voit pas ce qui se passe dessous?". C'est tellement vrai. En ULM tu vois défiler les paysages, les crêtes, les prés, la montagne. On profite. Et puis, en haut de gamme, le parc des ultra-légers évolue. J'ai eu l'occasion de voler sur BRM XL8, train rentrant, c'est une machine d'enfer, ça va largement plus vite qu'un DR400. Et l'avion, justement, dans tout ça ? J'allais y venir. Quand tu voles en ULM tu communiques peu. Tu es un peu seul au monde, tu fais comme tu veux, c'est l'école buissonnière, tu évites les zones contrôlées. En naviguant en avion, j'ai appris d'abord à aller tout droit d'un point à un autre, mais aussi à communiquer, à faire une phraséologie propre, à m'intéresser à ce qui se passe à la radio, à écouter les ATIS, les FIRs, à entrer dans des zones surveillées et à me signaler correctement, et quand les contrôleurs comprennent que tu es un ULM et que tu ne fais pas n'importe quoi ils apprécient, c'est gratifiant. Donc ça j'aime bien, l'avion m'a appris cette rigueur. Quand je pars en ULM pour un vol un peu long, je prépare avec autant de précision qu'en avion. Notams, déroutement, zones, terrains envisagés, etc. Pour résumer, voler en ULM et voler en avion, c'est parfaitement complémentaire. L'un t'apprend la finesse du pilotage, la joie de découvrir la planète de près, l'autre t'apprend à gérer la navigation et le voyage avec rigueur. Propos recueillis par Bernard Moro
Le Tétras (*) à l’atterrissage à Saint Jean d’Arves, piloté par James, tutoré par Alain.
Pourquoi me suis-je mis à l’ULM ? Il y a une dizaine d’années j’avais passé ma licence dans mon précédent aéroclub à Reims et n’en avais jamais refait, pour moi ce n’était pas de l’avion. Quelque temps après être arrivé au Versoud j’ai commencé ma formation montagne sur Mousquetaire et me suis rendu compte qu’il allait me falloir un paquet d’heures et un sacré budget, n’ayant plus volé en montagne depuis une trentaine d'années. C’est alors que mon ami Gilbert m’a proposé de l’accompagner en montagne et sur ULM faire "le sac de sable". Et là j’ai découvert un autre monde, avec des sensations jamais rencontrées en avion, à la fois cette impression puissante en émotions, d’être suspendu dans les airs avec une bien petite carapace, sensible et réactive à la manœuvre la plus infime et au moindre zéphyr, et en même temps tranquillisé, en tant qu'ancien para, par, justement, la présence d’un parachute. Rapidement familiarisé avec ce beau jouet, j’ai pleinement profité de cet environnement fascinant qu’est la montagne, au point de n’avoir pu résister à l’envie de dominer progressivement cette belle discipline aux côtés d'Alain Serrado. Cet instructeur rigoureux, exigeant, m’a fait percevoir rapidement l’importance d’une maniabilité en douceur, de la connaissance parfaite des paramètres et de l’aérologie, et enfin de la nécessité d’une grande précision sur ces frêles machines qui ne tolèrent pas l’à peu près. C'est donc grâce à la discipline, à la compréhension du vol et de l'atterrissage en montagne qu'apporte l’ULM que je garde l’envie de voler sur cette machine puissante qu’est le Mousquetaire. Et j’y parviens. De temps en temps. James Lecœur
(*) Rappel, le Tétras n’est plus chez nous, mais il semble avoir laissé de bons souvenirs…
Un petit tour ? Allez…
La bille au milieu, attention…
Il y a même du chauffage.
Nico
James
ULM