J’avais interviewé Luca il y a quelques années. Je trouvais que son parcours était un rêve pour jeunes pilotes…
J'avais 16 ans quand un pilote, collègue de mon père, m'a emmené faire un vol. Puis il m'a amené à Aoste, et tout de suite, en montagne, et notamment à Chamois. Après mes études secondaires je suis entré à l'Institut Technique Industriel de l'Etat, en technique de construction aéronautique. En parallèle j'ai suivi une instruction avion. En 1985, j'ai passé le 1er degré (à peu près l'équivalent du BB), puis le 2ème degré en 1986. J'ai continué à voler en loisir, mais mon travail, c'était dessinateur industriel aviation. Je m'ennuyais, au boulot et dans mes vols, on est un peu prisonnier dans le Val d'Aoste, donc j'ai pensé au vol montagne. En 1990 je suis parti voler à Mégève, et pour accéder au vol montagne, à l'époque, en Italie, il fallait 500h de vol, que j'étais loin d'avoir. J'ai fait un vol d'évaluation avec Jacques Brun qui m'a dit que je pouvais venir en instruction. Au début, mon instructeur a commencé avec la technique assiette et puissance, très précis. Les années suivantes, je venais à Mégève pour les weekends, j'ai passé la qualif roues, puis la qualif neige en 91 ou 92, je ne sais plus bien. En Italie ils ne voulaient pas reconnaître la licence française, donc je ne pouvais pas voler en montagne là-bas. En 1994, il y a eu un meeting aérien à Aoste, j'ai rencontré deux jumeaux suisses d'origine italienne qui avaient un Cap10, des copains de Patrick Paris. J'ai fait un vol sur Cap 10, ç'a été un vrai coup de foudre, et j'ai commencé la voltige au Castelet, en enchaînant les weekends sur place. J'ai passé mon 1er cycle là-bas. Après j'ai cherché un endroit plus proche où continuer la voltige. Je me suis basé à Milan, ils avaient aussi un Cap 10, mais il n'était pas équipé de triangles. Mon instructeur me demande de faire un retournement sous 45° : j'ai failli tout casser… puis des vrilles, six tours à gauche, à droite, sur le dos, en Italie on ne distingue pas g négatifs et positifs…! Ensuite j'ai fait un peu de compétition, et en 96, j'ai gagné le championnat italien de voltige Sportsmen, j'étais Campione Italiano Sportsmen, wow ! Puis j'ai attaqué la catégorie Intermediate, j'ai fait 4ème, puis en 98, 2ème dans la catégorie Advanced, et là je me suis arrêté. J'en avais marre de faire dessinateur industriel, même en aéronautique, alors en 1999 j'ai décidé de passer ma licence de pilote commercial, cours théorique et partie pratique aux Etats- Unis, pour les tarifs évidemment. En même temps j'ai passé le FI instructeur avion en 2000, puis l'instructeur voltige en 2001. J'ai obtenu l'ATPL Airline Transport Pilot Licence en juillet 2002. Mais le diplôme n'est pas validé, il est "frozen" tant que tu n'as pas effectué 1500h de vol : donc je suis vraiment devenu ATPL seulement en 2004. Je suis entré à Alitalia en 2002 où j'ai travaillé jusqu'en 2009 sur MD80, époque où Berlusconi nous a virés comme des malpropres. En 2006, j'ai obtenu ma qualification Instruction Vol Montagne au Val d'Aoste. Vu mon parcours, ça m'a intéressé de pouvoir faire la TBO (Time Between Overhauls) sur mes avions, donc en 2011, j'ai fait une formation chez Lycoming en Pennsylvanie, qui m'a certifié pour faire la remise à zéro heures sur les moteurs.
Je lui ai ensuite demandé s’il avait des ‘anecdotes pédagogiques’ à nous raconter…
Une qui concerne le voyage, c'était avec deux copains à moi. Ça illustre bien la problématique du facteur humain. On était trois jeunes pilotes sur un Cessna F-172, décollage d'Aoste, direction Bolzano et retour, 400 nautiques, 4 heures de vol, aux limites de l'autonomie de l'avion. Aucun de nous ne s'est déclaré chef de bord, on était tous les trois de compétence comparable. Seulement en vol il faut un chef. Chacun comptait sur les autres pour la gestion du vol, du carburant en particulier… A notre retour il restait 4 litres d'essence dans les réservoirs ! Conclusion : se méfier de la diffusion des responsabilités, et se méfier des jauges d'essence.
Une autre pour la montagne, c’était sur la Bosse à Collot, saison d'hiver 2006- 2007, en fin d'après-midi, je faisais de l'instruction avec mon Piper. C'était très pentu, et le regel avait commencé. C'était difficile d'arrêter l'avion, mais on a quand même essayé. Au premier essai on s'est tanké. J'étais derrière (on est en tandem dans le Piper), l'élève descend pour dégager l'avion. Je décolle, je fais un tour, je me repose, je tourne un peu plus perpendiculaire à la ligne de pente, l'avion ne s'arrête pas, je repars plein pot. Troisième tentative, je me retanke. Pffff. Quatrième tentative, pas moyen de stopper, tout réduit, l'élève court après l'avion et embarque comme il peut. Conclusion : il est important d'apprendre à sentir la neige et la pente pour estimer si l'arrêt est possible ou pas !
Une autre, en montagne encore, c'était à Monte Casale dans le Trentin, sur mon Piper 150CV. Il sortait de la révision des 100 heures, carburateur révisé, démonté, remonté, comme neuf quoi. En finale, j'ai voulu mettre juste un filet de moteur, la manette de gaz se coince, elle est dure, 1300 tours, trop peu pour se poser, je force la manette à fond, mais le moteur ne prend pas les tours. Pas trop d'obstacles, je n'ai pas le choix de toute façon. L'avion s'arrête, recule et s'immobilise. Comme j'avais rendez-vous avec des amis, ils m'ont aidé. Je regarde la gaine de câble Bowden. Le câble était ok, mais la commande était tordue. J’ai continué à faire des tours mais la manette s’est à nouveau coincée. On a réussi à rentrer, 2000 tours max. Au retour j’ai découvvert que le mécano avait remonté la pièce de travers… Conclusion : les avions nous parlent, il faut savoir les écouter.
Merci Luca !